Certains pensaient que la démission de Mme Taubira était une excellente nouvelle. J’étais circonspect lors de l’annonce de son départ car je me suis tout de suite demandé ce qui pouvait avoir poussé cette personne, si attachée à son poste contre vents et marées, à quitter le navire. Malheureusement mes craintes se sont très vite avérées en deçà de la réalité…

Pendant que nos médias et la classe politique discutaient de l’utilité ou non de la déchéance de nationalité, un premier article paru lundi dernier est venu s’ajouter à la longue liste de ce que je vous rapportais déjà (IMSI catchers, Pheme, volonté pour certains d’avoir accès aux clés de chiffrement de certains appareils ou logiciels, etc …) : la possibilité de faciliter l’ouverture de feu pour les forces de l’ordre présente dans l’article 20 du projet de loi de la réforme de la procédure pénale.

« Le texte, qui vise entre autres à renforcer la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, est d’ores et déjà très critiqué dans les rangs de la magistrature, qui craint un virage sécuritaire de nature à inféoder la justice au ministère de l’Intérieur. Pour Céline Parisot, secrétaire générale de l’Union syndicale des magistrats interviewée par « l’Obs » le 7 janvier, c’est même « l’Etat policier » qui « s’instaure de manière pérenne ».

Cependant, insiste « Libération », ces contours juridiques peu définis pourraient constituer « une couverture sur mesure en cas de bavure ». Jugez-en plutôt :

[Le projet de loi prévoit d’étendre l’irresponsabilité pénale dans les cas où l’usage de l’arme est] « rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire l’auteur d’un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives […] dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’il est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin de ces actes ».

Le but avoué, selon le ministère de l’Intérieur auprès de « Libé » :

« Ne plus laisser le policier dans un ‘cogito’ infini lorsqu’il dispose de trois secondes pour chausser son arme. »

Reste que des formulations comme « raisons sérieuses de penser », « temps très voisin » et même l’absence du mot « terrorisme » laissent libre cours à l’interprétation subjective des situations… »

Source NouvelObs

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« Nous avons enquêté sur nous-mêmes et avons conclu que nous n’avions rien fait de mal »

Avec cet élément et la déchéance de nationalité, que Mme Taubira ne soutenait pas d’après ses déclarations en Algérie, il n’est donc pas étonnant de la voir quitter le gouvernement. Mais malheureusement, le gouvernement et le législateur ont décidé de passer à la vitesse supérieure concernant le virage sécuritaire et leur cible semble être Internet.

Il n’est pas utile de vous signaler la nouvelle polémique qui a enflé en fin de semaine dernière : une réforme de l’orthographe de 1990 est remise sur la table. Les médias relaient, les réseaux sociaux s’embrasent et le Sénat vote deux textes visant directement vos libertés sur Internet dans un silence total.

Le premier texte voté par les sénateurs autorise les juges d’instruction à faire installer des chevaux de Troie sur les ordinateurs de « suspects » contre l’avis du gouvernement :

« Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de renforcement de la lutte anti-terrorisme, les sénateurs ont adopté un article 4 qui autorise le juge d’instruction à faire installer des mouchards sur les systèmes informatiques de suspects, par « toute personne physique ou morale qualifiée » qui serait capable de réaliser les opérations nécessaires. Le gouvernement avait pourtant présenté un amendement de suppression de cet article, sans convaincre.

L’article adopté, qui devra être confirmé par l’Assemblée nationale, dispose que « le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d’effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique [ayant pour objet la captation de données informatiques] ». Il est prévu que la personne mandatée soit agréée par les services du Premier ministre. »

Source Numerama

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« Si tout le monde pouvait arrêté de m’espionner, ce serait génial. »

Le gouvernement était opposé à ces outils car ils pourraient présenter des failles de sécurité et ne garantiraient pas que les procédures judiciaires ne soient pas falsifiées par des tiers utilisant les dites failles afin d’injecter des preuves fabriquées :

« « Au-delà de ces questions, il en va aussi du respect de la vie privée voire de l’intégrité physique de certaines personnes. En outre, une instruction pourrait être frappée de nullité si la preuve était apportée de la défaillance du logiciel », a ainsi expliqué le gouvernement, en vain. »

L’autre texte voté par les sénateurs est bien plus dangereux pour toute personne essayant de s’informer sur le web. Je rappelle que cet article est à lire en prenant en compte les articles précédents et que ces dispositions votées seront amenées à évoluer, vous vous en doutez, certainement pas en faveur des utilisateurs d’Internet. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les diverses sorties médiatiques de nos divers barons politiques, dont la dernière de M. Sarkozy dans « Des paroles et des actes » sur France 2 où il a clairement expliqué qu’une personne regardant une vidéo liée au terrorisme était un terroriste, faisant même une comparaison avec la pédophilie. Je vous renvoie à l’article en lien avec la citation ci dessous :

Sarkozy : « On ne peut pas continuer avec Internet, où il serait permis de faire tout »

Source Numerama

Le texte voté rejoint donc finalement la position affirmée par M. Sarkozy, ce qui est désopilant, ce dernier prévoyant de condamner la consultation de certains sites Internet :

« Les sénateurs ont adopté mardi un article 10 à la proposition de loi antiterrorisme présentée par plusieurs sénateurs, qui vise à sanctionner pénalement le fait de consulter régulièrement des sites réputés d’apologie du terrorisme, peu importe l’adhésion ou non aux thèses exprimées. Il s’agissait d’une proposition devenue une obsession de Nicolas Sarkozy, malgré sa conformité tout à fait douteuse aux engagements internationaux de la France en matière de droits de l’homme, et en particulier de liberté d’expression et de communication — qui comprend le droit d’accéder à des informations.

« Sur le fond, il est évident que depuis des années, le législateur réfléchit à la manière d’être efficace par rapport à ce que l’on constate sur Internet. Mais il me semble que depuis 2012, le législateur a fait tout ce qu’il pouvait faire dans ce domaine », a estimé en séance le nouveau ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas. « Ce qui est ici proposé, de créer un délit habituel de visite… ça ne peut pas être le seul fondement à une incrimination », a-t-il ajouté, en vain. »

Source Numerama

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« Le gouvernement prend le contrôle d’Internet et personne ne bronche. Quelqu’un poste une photo d’une personne mal habillée et tout le monde perd la tête »

Je vous invite à consulter cet article 10 qui vous permettra de vous rendre compte de sa rédaction particulièrement floue. Est ce que consulter régulièrement le site du RSI sera pénalement condamnable lorsque l’on constate la terreur que cet organisme crée chez les indépendants ?

Il est tout de même utile de rappeler ici que seuls ceux qui n’ont pas les connaissances pour s’en prémunir se feront coincer par les services mandatés, les autres utilisant les outils leur permettant de se maintenir sous le radar.

Cette lutte contre les libertés individuelles sur Internet est elle au moins justifiée ? L’Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste, citée par Le Figaro, a malheureusement démoli la dérive sécuritaire de nos élus dans un article du 3 février :

« Bien que la féminisation des recrues de ces réseaux soient en cours, les individus signalés sont majoritairement des hommes (70%) de plus de 18 ans (80%). Un tiers sont des convertis. La prison reste la « première école de la radicalisation », selon Le Figaro, mais les profils sont variés, de la fille de militaire aux jeunes en difficultés économiques, amoureuses, psychologiques…

Pas de basculement solitaire

C’est sur eux que la propagande djihadiste trouve le plus de prise. Mais ils « ne basculent quasiment jamais en pianotant seuls sur leur ordinateur. Le déclencheur est dans 95% des cas lié à un contact humain », précise-t-on à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, cité par le quotidien. Ce qui signifie qu’Internet ne serait pas la cause première du basculement. La consultation de sites djihadistes et de propagande ne ferait que renforcer un processus de radicalisation déjà entamé. »

Source L’Express

Vous l’aurez compris, l’objectif de ces textes est clairement de contrôler Internet, de savoir ce que vous y faites, ce que vous consultez.

Lorsque je vois l’évolution législative de la France depuis les derniers attentats, je suis très inquiet. Ce qui m’effraie le plus, c’est que peu de personnes s’intéressent à la lente régression liberticide de notre pays, et que le réveil risque d’être tardif et vain pour un résultat sur la prévention du terrorisme nul.

 

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« Préparez vous, des régulations sont à venir. »

Pendant que vous parlez de nationalité, d’orthographe et d’autres sujets finalement sans intérêt (la nationalité devant être conséquence du consentement et non une décision arbitraire et la langue suivant une évolution naturelle qui doit échapper aux folies administratives), nos huiles, elles, continuent le renforcement sécuritaire, les intrusions dans notre vie privée, le « gold plating« , la mise de chaque citoyen en coupe réglée. Je voudrais également signaler que lorsque la presse se déchaîne sur ce qui se passe à Calais – à juste titre – d’autres actualités aussi préoccupantes s’y déroulent en ce moment. Dans une région avec un taux de chômage si important, l’État continue la destruction du tissu entrepreneurial comme pour la société Desseilles Laces dont les dirigeants se battent pour préserver leur activité, mais aussi contre une administration folle dont chaque décision est attendue telle une épée de Damoclès et contre des délégués syndicaux n’hésitant pas à pousser l’entreprise au bord du gouffre.

Je vais, pour une fois, faire une entorse à mon formalisme de conclusion habituel composé d’une citation libérale. Aujourd’hui, je vais conclure sur une citation qui, je pense, colle beaucoup plus à l’idée que se font nos politiciens modernes de notre société. Je pense qu’elle leur ira droit au cœur. Peut-être que la lecture de celle-ci en fera réfléchir quelques-un(e)s se perdant par ici, mais j’en doute à la vue du vote de l’article 1 de la révision constitutionnelle prévoyant l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution d’hier et de son nombre d’absents (441 députés sur 577 !) :

« Nous avons été les premiers à affirmer que plus les formes de civilisation sont compliquées, plus la liberté individuelle doit être restreinte. »

Benito Mussolini