« Si l’impôt, payé sous la contrainte, est impossible à distinguer du vol, il s’ensuit que l’Etat, qui subsiste par l’impôt, est une vaste organisation criminelle, bien plus considérable et efficace que n’importe quelle mafia « privée » ne le fut jamais. » Murray Rothbard.
Ce billet est un hommage à Irwin Schiff, contestataire à l’imposition sur les revenus aux USA, décédé le 16 octobre dernier à l’âge de 87 ans des suites d’un cancer en prison
, sans possibilité de sortir pour terminer son existence avec ses proches. Il avait été condamné en 2005 par la US District Court de Las Vegas Nevada pour « évasion fiscale, fausses déclarations fiscales et complicité de fausses déclarations fiscales ».
Je voudrais tout d’abord commencer par vous détailler rapidement la situation qui a amené cette personne à mourir « enchaîné à un lit d’hôpital ». L’IR américain n’est pas déclaratif comme l’IR français. Il est prélevé directement à la source, la déclaration intervenant à posteriori, les écarts étant traités par la suite. Si vous suivez l’actualité vous savez que la thématique de l’imposition à la source pour les revenus revient régulièrement sur la table en France, nos politiciens rêvant de pouvoir réaliser une double année fiscale tout en enterrant dans le même temps toutes velléités de contestation future concernant les augmentations qui ne manqueront pas de se produire dans les mois/années qui viennent. Je les vois mal en effet faire cadeau aux contribuables d’une année complète d’IR lors de cette opération. Mais pourquoi un homme comme Schiff a-t-il consacré sa vie à combattre la taxation sur les revenus et quelles leçons pouvons-nous en tirer ?
Schiff avançait les arguments suivants :
– il ne peut y avoir taxation sans déclaration consentie librement par le contribuable ;
– l’IRS (FISC américain) impose un impôt qui n’est pas autorisé par la Constitution des Etats-Unis ;
– La cour fiscale n’a pas de juridiction au-dessus des citoyens et elle n’est d’ailleurs pas une cour légale de par la Constitution ;
– Le XVIème amendement de la Constitution des Etats-Unis n’aurait jamais été ratifié et le texte aurait été modifié par la suite (voir le lien).
Je ne reviendrai pas sur ces arguments, vous trouverez les réponses dans les divers liens ancrés dans le texte. Je ne suis pas juriste et encore moins spécialiste du droit positif américain. Je ne raisonne que sur la base des droits naturels. Officiellement, toutes les cours américaines ont débouté M. Schiff et les personnes qui participaient à son mouvement de protestation. Toutefois, vous attendiez-vous à ce qu’un groupe nommé Etat, se jugeant lui-même, se condamne pour des pratiques dignes de la mafia ? Ce combat ressemble à s’y méprendre à celui qui se passe actuellement en France pour les « libérés » de la Sécurité Sociale. Fin 2014, les députés ont d’ailleurs durci la loi pour tout contrevenant qui tenterait de quitter cet organisme, prévoyant même des peines de prison.
Mais, je m’égare et si vous le voulez bien, revenons à M. Schiff. La Constitution des Etats-Unis est fondée sur les mêmes principes que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à savoir les droits naturels qui sont définis dans le premier article de la DDHC dans l’ordre suivant : « propriété, liberté, sûreté, résistance à l’oppression ». L’ordre de ces droits est important puisque sans propriété, les autres ne peuvent exister.
Il me paraît utile ici de faire un petit rappel ou d’expliquer ce que sont les droits naturels :
« Ce n’est pas parce que les hommes ont édicté des Lois que la Personnalité, la Liberté et la Propriété existent. Au contraire, c’est parce que la Personnalité, la Liberté et la Propriété préexistent que les hommes font des Lois.
Qu’est-ce donc que la Loi ? Ainsi que je l’ai dit ailleurs, c’est l’organisation collective du Droit individuel de légitime défense. » F.Bastiat – La Loi
Les droits naturels sont, comme le précise Bastiat dans l’extrait précédent, notre vie (qui est notre première propriété), la liberté et le fruit de ces deux premiers droits, à savoir les propriétés qui en résultent. La loi ne peut être que l’organisation collective de la légitime défense de ces droits.
Ce que Schiff et d’autres contestataires, auteurs de l’école autrichienne etc … dénoncent depuis des décennies est que l’impôt non consenti est un vol pur et simple de notre propriété, et ce n’est pas parce que la spoliation est légale que celle-ci est juste ou morale. Je vous partage quelques citations de divers auteurs à ce sujet :
« Tout impôt inutile est une atteinte contre la propriété, d’autant plus odieuse qu’elle s’exécute avec toute la solennité de la loi, d’autant plus révoltante que c’est le riche qui l’exerce contre le pauvre, l’autorité en armes contre l’individu désarmé. »
Benjamin Constant
« L’impôt est une agression et une pénalité contre la propriété acquise et produite, qui conduit nécessairement à une réduction de la création de richesse incorporée dans cette propriété, et à un abaissement du niveau général de vie. L’impôt est un transfert forcé, non consenti, d’actifs patrimoniaux. »
Jean Baptiste Say
« La taxe n’est pas répartie en raison de la force, de la taille, ni du talent : elle ne peut l’être davantage en raison de la propriété. Si donc l’état me prend plus, qu’il me rende plus, ou qu’il cesse de me parler d’égalité des droits ; car autrement la société n’est plus instituée pour défendre la propriété, mais pour en organiser la destruction. L’Etat par l’impôt proportionnel, se fait chef de bande ; c’est lui qui donne l’exemple du pillage en coupes réglées ; c’est lui qu’il faut traîner sur le banc des cours d’assises, en tête de ces hideux brigands, de cette canaille exécrée qu’il fait assassiner par jalousie de métier. »
Proudhon
« Faire intervenir l’État, lui donner pour mission de pondérer les profits et d’équilibrer les fortunes, en prenant aux uns, sans consentement, pour donner aux autres, sans rétribution, le charger de réaliser l’œuvre du nivellement par voie de spoliation, assurément c’est bien là du Communisme. Les procédés employés par l’État, dans ce but, non plus que les beaux noms dont on décore cette pensée, n’y font rien. Qu’il en poursuive la réalisation par des moyens directs ou indirects, par la restriction ou par l’impôt, par les tarifs ou par le Droit au travail ; qu’il la place sous invocation de l’égalité, de la solidarité, de la fraternité, cela ne change pas la nature des choses ; le pillage des propriétés n’en est pas moins du pillage parce qu’il s’accomplit avec régularité, avec ordre, systématiquement et par l’action de la loi. »
Frédéric Bastiat
Vous êtes propriétaire de vous même, de vos capacités de travail. Ce que vous avez acquis par ce travail devient donc votre propriété. Le prendre par l’impôt, même légal, sans votre consentement est, au sens des droits naturels, un vol. Qu’il soit légal ou non ne change rien.
Si je transpose en France, l’impôt sur le revenu est un impôt inégalitaire puisque seulement une minorité de citoyens l’acquittent. Pour Hans-Hermann Hoppe :
« Les libertariens doivent développer une conscience de classe marquée, non plus dans le sens marxiste du terme, mais dans le sens de reconnaître qu’il existe une nette distinction entre ceux qui paient les impôts (les exploités) et ceux qui les consomment (les exploiteurs) ».
De plus, la progressivité de l’IR balaye totalement l’égalité de traitement entre citoyens dont l’Etat est normalement le garant, certains contribuables étant plus lourdement taxés que d’autres, tout cela dans le pays héritier des droits de l’Homme … et aux USA, le pays héritiers de cette tradition libérale française.
Mr Schiff est mort « enchainé » non pas car il ne s’acquittait pas de l’impôt, l’état fédéral américain aurait pu le recouvrer par diverses méthodes. Mr Schiff est mort en prison car il gênait la « mafia légale » qui devait surtout le faire taire.
Je tenais donc à vous rendre hommage Mr Schiff. J’espère que, pour ceux qui essayent de se libérer de la sécurité sociale en France, la fin de leur combat ne se terminera pas de la même manière. Attention au bout de la route, you might die over there.
PS : Le temps de publier cet article, Jacques de Guenin nous quittait également. Il avait fondé le cercle Frédéric Bastiat et avait milité toute sa vie pour diffuser ses oeuvres et écrits. RIP.
9 novembre 2015 at 8 08 55 115511
Enfin un article rédigé au coin du bon sens.
Vous avez tout à fait raison en tous points. Pour la France, je vais même y ajouter un détail : nous avons la constitution et son article XIV qui dit deux choses éminemment importantes :
– D’abord que la contribution aux finances publiques doit être librement consentie (noir sur blanc)
– Ensuite que ses montants, mode de recouvrement, …, sont définis par le citoyen ou son représentant : ce qui veut donc dire que l’exécutif n’a pas la voix au chapitre. Or le Code Général des Impôts n’a pas été voté comme une loi par l’assemblée, il a été promulgué par décret le 6 avril 1950 en violation de la constitution.
On peut ajouter un article de la Convention Européennne des Droits de l’Homme qui interdit l’asservissement. Or, si on impose le revenu d’un individu, donc le fruit de son travail, sans son consentement, voire contre son gré, comment appeler ça autrement que de l’asservissement ?
Et pour les petits malins qui me rétorqueraient que le travail n’est en aucun cas forcé, je signale que ça ne modifie pas l’absence de consentement de l’intéressé et que si son droit au travail est conditionné à ce qu’il en reverse tout ou partie, ça devient de l’extorsion et relève alors du code pénal.
Je n’ai guère eu d’échos en écrivant tout ceci sur mon propre blog, je suis content de voir que cette page rejoigne la même veine.
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9 novembre 2015 at 9 09 05 110511
Merci pour votre commentaire.
Je suis entièrement d’accord avec vous : notre réglementation actuelle est en totale violation de la DDHC. Voir par ailleurs le superbe travail de Philippe Fabry et de Julien Lalanne sur la DDHC – que vous trouverez dans mes billets – qui donne une superbe base argumentative et pédagogique.
Il est de notre devoir de communiquer ces éléments le plus largement possible.
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9 novembre 2015 at 23 11 25 112511
On ne peut que regretter la mort de cet homme, les circonstances dans lesquelles elle s’est produite et s’indigner de la dureté sans doute disproportionnée du système judiciaire américain. Cela ne signifie pas pour autant qu’on partage le point de vue de Irwin Schiff et plus généralement le point de vue libertarien.
Avec raison vous commencez par évoquer la question des droits naturels, fondement de la pensée libertarienne, c’est pour cela que je vais m’attarder un peu sur la question, et en particulier sur le caractère supposé naturel du droit de propriété.
Tout d’abord remarquons qu’il n’y a rien de moins « naturel » que le droit de propriété. Quoi de plus artificiel, de peu naturel que de mettre des barbelés autour d’un terrain pour acquérir, délimiter sa propriété ?
Pour passer ce premier obstacle, les libertariens emploient le mot « naturel » dans un sens un peu différent du sens usuel. Le terme « naturel » est à rapprocher des termes essentiels, inhérents, qui fait partie de la nature de qqch. Dans le cas qui nous préoccupe, un droit « naturel » est un droit qui découle, qui est une conséquence logique de la nature de l’Homme. On rencontre là un deuxième problème car un rapide examen logique nous amène à conclure qu’un droit « naturel » ne peut jamais être bafoué.
Pour le démontrer faisons un peu de logique modale : si A implique B, alors ness(A) (ie A est nécessaire au sens logique, ce qui signifie « ne peut pas ne pas être », comme par exemple le fait que 2+3=5) implique ness(B). Si on instancie, cela donne : si un attribut essentiel A de l’Homme implique le droit B, alors le fait que cet attribut A soit nécessaire implique que le droit B soit nécessaire. Puisque l’attribut A fait partie de la nature de l’Homme, il est nécessaire, l’Homme ne peut exister sans, on en conclut que l’Homme ne peut exister sans ce droit B. Or, on peut bafouer le droit de propriété d’un individu, cet individu existe toujours. Le seul droit qui marche dans mon raisonnement logique est le droit à la vie. Tout cela devrait nous amener à nous méfier de cette expression tant usitée par les libertariens de « droits naturels ».
Revenons maintenant plus particulièrement au droit de propriété cher aux libertariens (qui à mon sens devraient plutôt s’appeler « propriétariens ». Supposons qu’il existe des droits naturels autres que le droit à la vie. Pour montrer que le droit de propriété est un droit naturel, il faut le faire logiquement découler de la nature humaine, d’un attribut caractéristique de l’être humain. Les libertariens ont alors imaginé l’auto-propriété des individus. Cela devrait étonner le commun des mortels qui ne connaît rien à la pensée libertarienne car quoi de plus étrange pour justifier le droit de propriété que de parler d’auto-propriété, on pourrait penser qu’on frôle le raisonnement circulaire, sans compter qu’usuellement on utilise la relation de propriété entre un individu et un objet différent de cet individu : « Ce vélo est la propriété de Jean » est un énoncé que tout le monde comprend aisément tandis que « Jean est la propriété de Jean » est déjà plus abstrus. Mais passons. Grâce à cela, les libertariens expliquent qu’étant donné qu’un individu est «propriétaire de lui-même », le résultat de ce qu’il produit est sa propriété et ils retombent sur leurs pieds.
Enfin presque… Parce qu’on a tout de même un peu l’impression de s’être fait avoir. Pour être clair ce qui est dit c’est finalement que : puisque A est propriété de A et que B est propriété de A alors B est propriété de A. Une vraie tautologie qui n’a nullement justifié le droit de propriété. Mais il y a d’autres problèmes.
En définissant l’auto-propriété les libertariens sont confrontés à un dilemme (que les auteurs de référence comme Nozick ou Rothbard ont d’ailleurs très vite vu) : (a) ou bien on estime que le titre d’auto-propriété d’un individu est échangeable, transférable, ce que les libertariens nomment par un oxymore un peu inquiétant « l’esclavage volontaire », ce qui viole le caractère inaliénable et « naturel » de l’auto-propriété (jean peut être la propriété de pierre) et par conséquent du droit de propriété (puisque fondé sur le caractère naturel de l’auto-propriété), (b) ou bien on estime que ce titre n’est pas transférable et alors cela signifie qu’il y a des titres de propriétés qui ne sont pas échangeables, ce qui est tout de même curieux puisque justement l’échange se base sur la propriété et celle-ci sur l’auto-propriété qui ne serait pas échangeable !
Un dernier problème qui se pose. Chacun sera d’accord lorsque j’écris que si Jean et Pierre sont liés par un contrat dans lequel ils mettent toutes leurs propriétés en commun (supposons que jean possède un vélo V et Pierre une auto A), je peux en déduire que Jean est propriétaire de V et A et Pierre est aussi propriétaire de V et A. Maintenant étant donné que Jean est propriétaire de Jean et Pierre propriétaire de Pierre, cela signifierait donc que Jean est aussi propriétaire de Pierre. Chose assez curieuse, tout de même…
En fait, plutôt que de s’embêter avec ces histoires tordues d’auto-propriété, les libertariens auraient pu tout simplement énoncer qu’ « aucun individu n’est propriétaire d’un autre », ou encore qu’ « un individu ne peut être une propriété », ce qui n’est pas équivalent à l’auto-propriété, mais bien entendu, cela posait problème pour justifier la caractère « naturel » du droit de propriété.
Une fois qu’on a ébranlé (pour ne pas dire plus), le caractère « naturel » du droit de propriété, il ne reste plus comme possibilité que de le considérer pour ce qu’il est : un droit construit par les Hommes lorsqu’ils vivent en société pour des raisons quelconques : permettre et faciliter les échanges, réduire les conflits, vivre en paix,… , grâce à des règles, des lois qui permettent de le faire exister et respecter (priorité donné au premier arrivant, au premier exploitant, à la clôture, première déclaration à un office, punitions en cas de viol de la propriété,…).
Revenons maintenant au propos central de votre article : « l’impôt c’est le vol ». Voyons ce que Rothbard dit à propos du vol : « l’agresseur [le voleur] pour sa part n’est pas un producteur mais un prédateur, il vit en parasite sur le travail et la production des autres. Au lieu de vivre en harmonie avec la nature de l’Homme, l’agresseur est donc un parasite qui se nourrit sans contrepartie de l’exploitation du travail et de l’énergie d’autres Hommes. » (L’Ethique de la liberté, p. 40). Si on s’en tient à cette définition du vol donné par un des pères de la philosophie libertarienne, on est obligé de conclure, de manière paradoxale et ironique, que celui qui ne paie pas d’impôts est un parasite et un voleur ! Pourquoi ? Parce qu’un individu qui vit au sein d’une société dans laquelle existe une puissance publique profite des dépenses publiques servant à construire des infrastructures (réseaux, routes, gares, aéroports,…), à fournir des services tels la santé , l’éducation, la sécurité, la justice, il est donc légitime qu’il paie pour cela, sinon ce serait vivre en parasite et voleur. Certains me répondront : « mais personne ne m’a demandé mon avis ». C’est vrai mais la remarque est aussi pertinente que si quelqu’un disait : « personne ne m’a demandé si je voulais qu’il pleuve ». Il faut bien comprendre que lorsqu’un individu vit en société, il y a des choses sur lesquelles il ne peut avoir aucune maîtrise, aucun choix. On peut le déplorer comme quelqu’un pourrait déplorer le temps qu’il fait ou ne pas pouvoir traverser l’Atlantique d’un seul bond mais c’est ainsi. Autant je ne puis répondre à la question de savoir si « la Personnalité, la Liberté et la Propriété préexistent », autant je puis affirmer que la société préexiste à l’individu, ce qui peut paraître paradoxal étant donné que conceptuellement l’individu préexiste à la société, la définition d’une société nécessitant l’emploi du terme « individu », mais qui factuellement est juste : un individu naît, arrive, vit au sein d’une société qui existait déjà avant lui.
Les conditions qui font la légitimité de l’impôt sont donc : son emploi (comme nous l’avons vu juste au-dessus), un impôt qui servirait à payer des habits, des voitures de luxe à un tyran ne serait bien sûr pas légitime, mais aussi les règles qui accompagnent le paiement de l’impôt, notamment les sanctions en cas de non paiement. Celles-ci doivent être transparentes et proportionnées, comme d’ailleurs toutes les règles, lois régissant la vie sociale.
Quant à l’inégalité supposée de l’impôt sur le revenu, c’est faux. Je vous accorde que du fait de décotes et de certains dispositifs, il est un peu injuste. Mais si on prend le calcul de base, progressif, il ne floue personne, car si on faisait payer les moins aisés, cela signifierait une tranche supplémentaire non nulle, ce qui signifierait une augmentation pour tous. J’ajoute que la règle étant connue de tous et applicable à tous, il n’y a aucune inégalité, tous bénéficient des mêmes droits, à savoir si vous avez un revenu de x euros et votre voisin un revenu de x euros, vous paierez autant en impôt. Je vous accorde que cela reste théorique car du fait de nombreuses niches fiscales, cela n’est pas toujours vrai.
Conclusion : (1) la théorie des droits naturels et le caractère naturel du droit de propriété posent de nombreux problèmes logiques. (2) L’impôt est légitime sous certaines conditions en général réalisées dans nos sociétés modernes et cela en employant la définition de Rothbard quant au vol. (3) L’inégalité supposée de l’IR n’a aucun fondement.
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10 novembre 2015 at 0 12 48 114811
Tout d’abord je voulais vous remercier pour votre réponse au long cours !
J’espère ne pas en avoir régulièrement des aussi longues réponses sinon je ne vais plus trouver le temps de préparer les prochains billets et de travailler sur les petits projets annexes tout en maintenant une vie sociale convenable 😉
Trêve de plaisanteries, je vais tenter de revenir rapidement sur les 3 points essentiels de votre démonstration, à savoir le droit naturel, l’impôt et le fait que pour vous l’IR n’est pas inégal.
Je vais les traiter dans le désordre si vous le voulez bien et commencer par l’IR : celui-ci est inégal car le taux d’imposition n’est pas le même pour chacun. Équité n’est pas égalité.
La question est : que finance l’impôt ? Si ce sont des services que ce soit la santé, l’éducation, la sécurité etc etc … Le secteur privé ne vous fait pas payer ces services à des prix différents en fonction de vos moyens financiers.
J’en viens donc à la légitimité d’un impôt : la DDHC prévoit bien évidemment la possibilité pour l’association politique (c’est à dire l’Etat) de lever des impôts. Mais ceux-ci doivent être librement consentis ! A titre personnel je n’ai rien signé concernant, par exemple, la redevance TV, où les écoles publiques où je n’enverrais jamais mes enfants etc etc … Voir Lysander Spooner et le contrat social. Bref, votre consentement n’est pas requis, à aucun moment, les diverses hausses d’impôts et taxes n’ont même jamais été évoquées dans les divers programmes électoraux (où l’on vous parle de baisse en général).
De plus, le fait qu’une minorité ou une majorité de personnes décident, par le biais d’une urne, de se servir dans votre portefeuille que vous avez garni par le fruit de votre travail sans votre consentement constitue un vol. Je ne vois aucune différence avec la personne qui serait venu vous attendre au coin de la rue pour vous délester du fruit de votre labeur. Vous avez sûrement déjà lu cette formule : le fait que le vol soit légal ne le rend pas moral. Bastiat traitait déjà de cela dans La Loi : était il libertarien ? Il ne me semble pas.
J’en viens donc aux droits naturels, encore une fois ce n’est pas une invention libertarienne. Ils sont inscrits dans l’article 2 de la DDHC et Bastiat les traite encore une fois dans La Loi. http://bastiat.org/fr/la_loi.html
Je pense que vous connaissez ce texte. Les droits naturels le sont car ils dépendent de nos facultés. La loi existe pour organiser nos facultés et non l’inverse. La propriété n’est pas mettre des « barrières » partout, elle est de rappeler que ce que j’ai créé m’appartient et que personne n’a le droit de venir me le prendre et que dans le cas contraire c’est un vol. »La loi est l’organisation de la légitime défense » encore une fois Bastiat.
Merci beaucoup pour votre commentaire, j’en ai vraiment apprécié la lecture. Il est très complet et je n’ai malheureusement pas assez de temps pour y répondre plus longuement ! Vous pouvez me relancer en réponse à ce commentaire je continuerais le débat des que possible (je vous prie de m’excuse pour les fautes je suis sur téléphone portable).
À très bientôt 😉
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10 novembre 2015 at 19 07 36 113611
Merci de votre réponse. Je serai moins long que lors de mon premier commentaire….
Concernant l’IR, je considère qu’il y a égalité devant la loi entre tous les contribuables. L’égalité serait bafouée si entre deux individus ayant le même revenu, l’un paierait un montant différent de l’autre par copinage ou parce qu’il a une couleur de peau différente. En poussant votre raisonnement, même un taux identique pour tous ne serait pas « égalitaire » puisque les revenus étant différents, les sommes versées seront différentes. Et a contrario, si on met une somme identique pour tous, on pourra arguer qu’il n’y a pas égalité puisque cela représentera un taux d’imposition différent. Lorsqu’on s’intéresse au caractère égalitaire ou non de l’impôt, je pense qu’il est préférable de s’intéresser à l’égalité devant la loi plutôt qu’au mode de calcul. Le mode de calcul lui intervient lorsqu’on s’intéresse à l’équité.
En fait, personne ne peut réellement estimer combien il paie en impôt pour tel ou tel service fourni par les administrations publiques, les impôts eux-mêmes n’ont pas une destination prédéfinie au sens où il n’est pas acté que la TVA ou une partie de celle-ci servira à financer la police, l’IR sera rattaché à telle autre dépense, etc. J’ajoute également que réciproquement si un individu ne peut estimer combien il paie pour tel ou tel service, il est également difficile sinon impossible d’évaluer de quelle quantité de services fournis par les administrations publiques chacun. Au mieux on peut en estimer une partie telle les allocations facilement évaluables. Cette dualité ne se retrouve pas dans le cas des services privés classiques.
Concernant la DDHC, l’article 14 est ambigu : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentans, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiète, le recouvrement et la durée. » Qu’entend-on par « le droit de consentir librement la contribution publique ? » Il serait plus clair s’il était mentionné le droit de refuser librement la contribution publique. Sans compter qu’il est bien fait mention des citoyens OU leurs représentants. Cet article m’a toujours paru mal écrit et sujet à différentes interprétations. Ceci dit, le libre consentement est quelque chose de purement subjectif, personne ne peut savoir si un individu consent librement, au mieux il peut savoir (mais ce n’est pas toujours le cas) s’il a été forcé, mais il est impossible en toute généralité de savoir si un individu consent librement ou non. On peut seulement le présumer, le conjecturer et donc ne pas être à l’abri d’une erreur.
L’argument de la signature d’un contrat reste assez limité. Après tout lorsque je vais chez mon boulanger, je ne signe rien qui m’engage à payer, pourtant je serai condamné pour vol si je pars sans payer. Lorsqu’on vit en société, il y a des codes, des règles non écrites, tacites mais qui proviennent de la coutume, de la tradition et qu’on estime être évidentes pour tous.
Prendre de l’argent dans le portefeuille d’un individu ne constitue pas toujours un vol. Après tout si je vais au restaurant et que je décide de partir sans payer, je pense que vous trouverez légitime que le patron prennent ce qu’il lui revient pour le travail qu’il a fourni et dont j’ai profité. Vous me direz, c’est moi qui ait choisi d’aller au restaurant, dans le cas du service public on ne vous a pas demandé votre avis. C’est vrai mais la raison est celle que j’ai mentionnée dans mon premier commentaire. Demandez votre avis n’aura aucun intérêt puisque « naturellement », nécessairement vous profitez des services produits par les administrations publiques. Le choix est impossible tout simplement parce que vous vivez au sein d’une société où les individus sont interdépendants les uns des autres.
Enfin à propos des droits naturels, je critique surtout l’interprétation qui en est faite par les libertariens. je pense que la signification pour eux n’est pas la même que celle dans la DDHC. Je pense qu’il faut ici comprendre « naturels » comme « fondamentaux ». Ces droits (liberté, propriété, sûreté, résistance à l’oppression) sont des droits qui ne pourront être remis en question par la loi au sein de cette société, tant que ce texte sera considéré comme inviolable. Au contraire, les lois devront faire en sorte de garantir, de faire exister en acte ces droits. Ce n’est pas anodin si « naturel s» est mis avec « imprescriptibles » pour renforcer l’idée que ces droits ne pourront être remis en question avec le temps. Cela signifie-t-il que ces droits préexistent à l’Homme ou découle de sa nature, de ses facultés ? Non. N’oublions pas qu’on parle de ces droits, on en dresse la liste dans un texte qui se nomme « déclaration ». Là encore le terme n’est pas anodin. C’est droits vont exister à partir du moment où ils sont déclarer, énoncer. C’est la déclaration qui donne une existence à ces droits « naturels », on est là en pleine performativité. Ce sont des individus, au sein d’une société qui vont créer ces droits, les faire exister, tout simplement en déclarant leur existence, un peu comme dans une théorie physique, on va postuler l’existence de certaines entités pour ensuite expliquer, décrire certains phénomènes. Ici on va postuler l’existence de droits « naturel s » ou fondamentaux pour ensuite pouvoir organiser la vie en société.
pour éviter de se lancer tous deux dans une discussion sans doute intéressante mais qui nous prendra beaucoup de temps, je lirai attentivement votre réponse si vous avez le temps de répondre mais je ne relancerai pas. Etant venu ici en tant qu’invité, j’estime que la politesse veut qu’il vous appartient de conclure la discussion
Bien cordialement.
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10 novembre 2015 at 21 09 02 110211
Bonsoir et merci pour votre nouvelle réponse.
Ce soir j’ai un petit peu plus de temps, mon billet de demain est prêt. Après vous avoir répondu je me lance dans la relecture d’un texte. J’ai proposé mes services de relecteur à l’auteur et je dois vous avouer que je prends comme un honneur de pouvoir lire en avant première les quelques pages qui m’ont été transmises. Je dois les rendre avant vendredi, j’espère avoir terminé demain soir ce serait idéal afin qu’il ait le temps de revoir tout cela.
Je vais reprendre encore une fois si vous me le permettez point par point votre argumentaire :
L’IR serait « égalitaire » : sur votre premier énoncé, à savoir à revenus identiques l’impôt doit être le même, j’en suis entièrement d’accord. Je passe les autres distinctions auxquelles vous faites référence, non pas qu’elles ne m’intéressent pas, mais je pense qu’il n’y a pas besoin d’en dire plus vous avez totalement résumé, aucun débat possible: un impôt sur la couleur ou le genre etc serait un impôt inique de fait.
Là où je ne suis plus en accord avec vous est sur ce qui est appelé la « flat tax » : un impôt à pourcentage unique pour tous. Voilà un IR égalitaire, chacun paye la même proportion. L’égalité n’est pas en quantité, elle est en proportion.
Quant aux services, vous mentionnez un point très important : il est très difficile d’en connaitre le coût et j’en suis entièrement d’accord ! Donc comment pouvez vous évaluez la qualité du service en rapport avec ce coût ? Le fameux « qualité/prix » ? Vous ne pouvez pas. Or, c’est ce que vous faites pour tout vos autres achats ou contractualisation de services.
Je me place évidemment dans le cadre où l’impôt est consenti volontairement sinon il constitue toujours un vol.
Concernant l’article 14 de la DDHC, je vous renvoie à cet article : http://www.contrepoints.org/2014/12/03/190166-la-declaration-des-droits-de-lhomme-de-1789-chef-doeuvre-liberal
Vous y trouverez toutes vos réponses j’en suis certain. Je cite Mr Fabry et Mr Lalanne : « En complément, nous livrons en annexe à cet article une version réécrite de la DDHC : nous avons pris le soin d’y remplacer tous les « grands mots » par leur définition synthétique. Le texte est d’une lecture un peu plus lourde ainsi, mais cela devrait permettre d’éviter les contresens. Voici donc :
(je passe jusqu’à l’art. 14, vous trouverez le reste dans le lien avec les explicatifs)
Article 14 – Les [membres de l’association politique ayant pour but la conservation de la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression] ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
« Ayant pour but la conservation de la propriété » : comment la conserver si vous n’êtes pas d’accord pour financer des projets et que l’on vous prend votre propriété par la force légale ?
Sur vos exemples de contrat chez le boulanger ou au restaurant, en passant ordre, vous vous engagez oralement (contrat oral) à vous acquitter des sommes prévues initialement à la commande. Si vous ne le faites pas, vous ne respectez pas votre contrat oral et donc effectivement le prestataire pourra engager toutes poursuites contre vous ou sanctions qu’ils jugent nécessaires dans le respect de vos droits naturels (vous interdire l’accès à son établissement par exemple, vous faire mauvaise presse etc …)
Bastiat explique très bien ce que devait être la loi dans le respect de la DDHC dans son livre « La Loi ». Pour lui, la loi devait être le support d’une justice dite « négative » se bornant à empêcher l’un de spolier l’autre. Je pense que vous avez lu ce texte. (si vous ne l’avez pas lu, personne n’est parfait, http://bastiat.org/)
« Qu’est-ce donc que la Loi ? Ainsi que je l’ai dit ailleurs, c’est l’organisation collective du Droit individuel de légitime défense. »
Pour lui encore, et c’est ce que nous vivons ici et ailleurs, lorsque la Loi devient positive (et donc source de spoliation) elle devient la source même de l’origine des conflits car chaque groupe demande à l’Etat des faveurs et des privilèges aux dépends des autres.
J’espère ne pas conclure ici, je vous invite encore à répondre ou à continuer cette conversation par mail (vous trouverez mon adresse je pense dans mon onglet auteur, si vous ne la trouvez pas laissez moi un message ici et je vous la communiquerais). Je vais juste ajouter cette dernière citation de Bastiat qui me semble très importante et qui est dans mon billet d’ailleurs :
« Ce n’est pas parce que les hommes ont édicté des Lois que la Personnalité, la Liberté et la Propriété existent. Au contraire, c’est parce que la Personnalité, la Liberté et la Propriété préexistent que les hommes font des Lois. »
Les droits naturels ne sont pas une construction humaine. Les textes de Loi sont postérieurs à ces droits et c’est de là que vient leur appellation « naturels ». La Loi ne fait que les constater, elle ne les crée pas : http://www.wikiberal.org/wiki/Droit_naturel
Merci encore pour vos commentaires, c’est très plaisant d’échanger avec vous ou CitoyensDebout. Ce sont de vrais échanges construits cela change des discussions que je peux trouver sur Facebook 😉
J’espère en tout cas que les réponses de ce soir vous apporte des points de précision.
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